Du courage, Emma ! Du courage ! Je ne veux pas faire le malheur de votre existence... »
Avez-vous mûrement pesé votre
détermination ? Savez-vous l’abîme où je vous
entraînais, pauvre ange ? Non, n’est-ce pas ?
Vous alliez confiante et folle, croyant au
bonheur, à l’avenir... Ah ! malheureux que nous
sommes ! Insensés !
Je ne vous oublierai pas, croyez-le bien, et
j’aurai continuellement pour vous un dévouement
profond ; mais, un jour, tôt ou tard, cette ardeur
(c’est là le sort des choses humaines) se fût
diminuée, sans doute ! Il nous serait venu des
lassitudes, et qui sait même si je n’aurais pas eu
l’atroce douleur d’assister à vos remords et d’y
participer moi-même, puisque je les aurais
causés. L’idée seule des chagrins qui vous
arrivent me torture, Emma ! Oubliez-moi !
Pourquoi faut-il que je vous aie connue ?
Pourquoi étiez-vous si belle ? Est-ce ma faute ? Ô
mon Dieu ! non, non, n’en accusez que la
fatalité !
Ah ! si vous eussiez été une de ces femmes
au coeur frivole comme on en voit, certes, j’aurais
pu, par égoïsme, tenter une expérience alors sans
danger pour vous. Mais cette exaltation
délicieuse, qui fait à la fois votre charme et votre
tourment, vous a empêchée de comprendre,
adorable femme que vous êtes, la fausseté de
notre position future. Moi non plus, je n’y avais
pas réfléchi d’abord, et je me reposais à l’ombre
de ce bonheur idéal, comme à celle du
mancenillier, sans prévoir les conséquences.
Le monde est cruel, Emma. Partout où nous
eussions été, il nous aurait poursuivis. Il vous
aurait fallu subir les questions indiscrètes, la
calomnie, le dédain, l’outrage peut-être.
L’outrage à vous ! Oh !... Et moi qui voudrais
vous faire asseoir sur un trône ! Moi qui emporte
votre pensée comme un talisman ! Car je me
punis par l’exil de tout le mal que je vous ai fait.
Je pars. Où ? Je n’en sais rien, je suis fou !
Adieu ! Soyez toujours bonne ! Conservez le
souvenir du malheureux qui vous a perdue.
Apprenez mon nom à votre enfant, qu’il le redise
dans ses prières.
Je serai loin quand vous lirez ces tristes
lignes ; car j’ai voulu m’enfuir au plus vite afin
d’éviter la tentation de vous revoir. Pas de
faiblesse ! Je reviendrai ; et peut-être que, plus
tard, nous causerons ensemble très froidement de
nos anciennes amours. Adieu !
Votre ami.


Imaginez la lettre de réponse d’Emma Bovary à Rodolphe.

-respectez les codes de la lettre

-1ère personne

-lexique des sentiments